Lorsque l’Internet s’arrêtera, même les survivalistes mourront…
Extinction de Matthew Mather se déroule à New York. Après une tempête de neige particulièrement violente, la ville se retrouve sans électricité, sans eau, sans chauffage et sans Internet.
Les premiers moments de stupeur passés, les habitants s’organisent. Dans la résidence de Chelsea, Mike Mitchell, jeune ingénieur tente de sauver sa famille du désastre qui prend jour après jour une ampleur inégalée.
Sans vous dévoiler l’intrigue, voici ce qui pourrait arriver si Internet s’arrêtait…
La désorganisation totale des circuits d’approvisionnement : la faim en quelques jours
Chuck, l’ami de Mike dirige une chaîne de restaurants. Très vite, les livraisons n’arrivent plus. Les explications les plus probables sont que des cyberpirates ont infecté des serveurs DNS partout dans le monde. Le virus informatique concerné cible des centaines de vulnérabilités « jour zéro ».
Une attaque jour zéro utilise une faille jusque-là inconnue d’un système, une faille que personne n’a eu le temps de documenter. Résultat, comme la liste des failles inconnues peut se chiffrer par milliers chez les grandes multinationales, le virus dispose d’autant de portes d’accès aux éditeurs de logiciels commerciaux.
La rupture des approvisionnements a une incidence directe sur les rayons. La gestion de stocks minimaux à flux tendu fait qu’il n’y a pas de marge de manœuvre. Très vite, la faim s’installe même chez les plus prévoyants. Au bout de quelques jours, les placards sont vides. Il est très difficile de faire bouillir de l’eau pour cuire des pâtes et du riz puisqu’il n’y a plus d’électricité. Les surgelés sont perdus.
Ceux qui disposent de réserves se font dévaliser. On recherche en priorité les générateurs mais aussi tout ce qui peut se consommer. Manger devient une obsession.
L’arrêt des centrales électriques : le froid et la maladie
Il est possible de gravement perturber le fonctionnement des centrales nucléaires. Voici comment Stuxnet, le ver qui a infecté les installations nucléaires iraniennes a fonctionné :
Etape 1, un ou deux Etats décident de cibler les installations nucléaires d’un pays ennemi. Dans le cas de Stuxnet, les acteurs étaient les Etats-Unis et Israël.
Etape 2, des programmes espion sont créés pour établir une carte des infrastructures informatiques des centrales visées. Ces programmes sont testés. Stuxnet a été testé sur de vieilles centrifugeuses libyennes stockées dans le Tennessee, similaires aux iraniennes.
Etape 3, cibler les ingénieurs et le personnel travaillant dans les centrales à leur domicile. Il est très facile d’infecter les PC domestiques qui sont eux connectés à Internet. Ces virus dormants ou bombes logiques attendent leur moment, le jour où un membre du personnel inconscient ramène le virus dans la centrale via une simple clé USB. C’est ce qui s’est produit dans le cas de Stuxnet.
Il est tout à fait possible d’agir de façon identique avec des centrales électriques.
Créer la panique, diffuser des fake news, clouer la population chez elle et l’y laisser mourir
L’auteur nous apprend que 90% des notifications d’alertes (alertes Ebola, grippe aviaire…) sont fournis par la même société aux USA. Diffuser des fake news d’épidémie pourrait avoir les implications suivantes. La population terrorisée ne sortirait plus de chez elle. Les nouvelles d’une maladie se diffusant à vitesse grand V et touchant particulièrement les enfants pourraient être propagée par les journalistes eux-mêmes. En l’absence d’électricité, la bonne vieille radio à piles deviendrait l’unique média encore en état de marche. Un média qui ne pourrait plus réellement faire son travail de vérification de l’information et qui se fierait donc à ces alertes diffusées juste avant qu’Internet tombe en rideau.
Les vrais malades affaiblis par la faim et le froid se rueraient sur les hôpitaux. Panique aidant, on dévaliserait les stocks d’antibiotiques mais aussi les anti-cancéreux ou l’insuline. Très vite, la désorganisation du système de santé serait renforcée par l’insécurité. Des bandes armées feraient commerce des médicaments volés.
Il deviendrait impossible de s’échapper en voiture puisque les stations-service touchées par le virus informatique ne seraient plus livrées. Les gens siphonneraient l’essence pour alimenter les groupes électrogènes. Métro et bus ne fonctionneraient plus car également touchés par le virus.
Couper l’eau en trompant les systèmes de gestion des eaux usées
Dans Extinction, les new-yorkais souffrent de la soif. Il leur est difficile de faire fondre la neige. Leurs robinets sont définitivement à sec. En effet, le Département de la Protection de l’Environnement a fermé le principal réservoir d’eau de la ville car son système de repérage a détecté un débordement des eaux usées. Les capteurs ont eux aussi été piratés. Aucun débordement n’est constaté de visu mais il devient impossible de rouvrir les vannes et d’en reprendre le contrôle. Sans eau, impossible de se laver. La saleté et le manque d’hygiène affectent gravement les populations.
Libéralisme, changements climatiques et monétisation d’Internet, les meilleurs moyens de perdre la cyberguerre
Nos systèmes informatiques sont vulnérables car il existe une totale imbrication du public et du privé. Matthew Mather affirme que « le gouvernement compte sur le secteur privé pour trouver des parades ».
La cyberguerre s’appuie sur des virus dont l’objectif n’est pas de subtiliser de l’information mais de paralyser le système. La paralysie du système minore d’autant les capacités de réaction et de lutte contre eux.
La guerre se prépare contre un ennemi identifié. Dans le cas d’une cyberguerre, l’agresseur est très difficile à identifier. Anonymous, services secrets d’une puissance ennemi, simples mafieux du Web ? Qui se cache derrière la cyberguerre ? Cette dernière est plus terrible que la guerre.
Des agences comme l’Agence fédérale des situations d’urgence ne peuvent pas agir car toutes les communications sont coupées.
Internet est fragile. Les câbles enterrés près des littoraux risquent d’être abimés par la montée des eaux. Les objets connectés rendent plus difficile sa sécurisation. Même les applications de fitness utilisés à des fins privées par les militaires permettent de géolocaliser les armées. Cette imbrication privé-public menace notre sécurité.
La forme du réseau est également une menace. Dans Extinction, la petite communauté que nous suivons réussit à élaborer une messagerie point à point pour communiquer avec d’autres communautés en perdition. Les téléphones constituent un nouveau réseau sans passer par les antennes-relais des opérateurs. Ce réseau maillé ne dépend pas d’un navigateur. La décentralisation sauve la communication.
Selon Matthew Matter, c’est la monétisation d’Internet qui constitue la principale menace en termes de sécurité. La vente de données et le tracking consommateur fragilisent le Web. La chaîne des responsabilités menant à la destruction d’Internet pourrait être la suivante :
- Représailles entre Etats et attaques des systèmes logistiques
- Imbrication des attaques avec celles perpétrées par des hackers ciblant des fonds spéculatifs et leurs données financières
- Porosité des systèmes due à l’insuffisante sécurisation des acteurs du Web (réseaux sociaux notamment)
- Transpositions des tensions du Web au monde réel avec aggravation des conflits géopolitiques et risques de guerre
Echec au survivalisme
Dans Extinction, un des personnages principaux est survivaliste. Le survivalisme est très à la mode dans la Silicon Valley mais également chez certains anarchistes ou anti-capitalistes. Sans Internet, le survivaliste en est réduit à faire des hypothèses sur la réalité des dangers. L’information est la meilleure protection. Le survivalisme en milieu urbain ne peut être que très temporaire. Il peut aider à « passer le cap de la crise » mais en aucune façon à survivre sur le long terme. A la campagne, l’isolement devient une faiblesse. Nos personnages atteignent leur lieu de survie avec beaucoup de difficultés. Tout a été pillé. Ceux qui vous aident à construire votre abri, à vous vendre des armes pour vous défendre, à installer votre système de sécurité, savent où vous trouver et sauront vous prendre ce qui leur manque pour survivre.
Certains l’ont compris et ont installé leurs bunkers sur des îles isolées ou bâti des villes sécurisées. Ils clament que l’on ne peut survivre seul et qu’il faut se regrouper en communautés survivalistes. Problème, le jour où la catastrophe arrive comment communiquer et rejoindre ses frères survivalistes sans réseau.
Praemonitus praemunitus
Celui qui est prévenu est prémuni
Bibliographie
http://www.ricou.eu.org/e-geopolitique/internet.pdf
https://www.letemps.ch/monde/survivalistes-niches-silicon-valley
Matthew Mather est spécialiste en cybersécurité et nanotechnologie informatique. Il vit entre Montréal et la Caroline du Nord. Les droits cinématographiques d’Extinction ont été achetés par la 20th Century Fox.
Votre site est excellent.
Félicitations.
Merci beaucoup.
Je vous en prie.