Dans ce dernier chapitre, Yuval Noah Hariri explique pourquoi Homo Sapiens pourrait perdre le contrôle. Il se pose trois questions :
- Les êtres humains peuvent-ils continuer à diriger le monde et à lui donner du sens ?
- En quoi la biotechnologie et l’intelligence artificielle menacent-elles l’humanisme ?
- Qui pourrait hériter de l’humanité et quelle religion nouvelle pourrait remplacer l’humanisme ?
Dans la partie “la bombe à retardement au laboratoire”, l’auteur explique pourquoi la liberté individuelle et le libre arbitre sont des leurres. Notre libre arbitre donne un sens à notre existence. Le libre arbitre est au fondement du libéralisme. Or, la science montre que lorsque “un neurone lance une charge électrique, ce peut être une réaction déterministe aux stimuli extérieurs ou le résultat d’un événement aléatoire, comme la décomposition spontanée d’un atome radioactif”. Il n’y a rien de libre dans ce processus. Ainsi, la théorie de l’évolution prouve que l’on ne choisit pas son partenaire ou ce que nous mangeons librement. Tous les choix que nous faisons sont conditionnés par la préservation des bons gênes. Au mieux, nous évoluons dans un environnement pouvant laisser place à l’aléatoire mais certainement pas à la liberté. Les hommes sont manipulables à l’image de ces robots-rats que l’on contrôle à distance en liant ordre et récompense. Les électrodes ou stimulateurs transcraniens sont déjà testés sur l’homme et en font un monstre d’efficacité.
Qui suis-je ? plusieurs / Quel est le sens de ma vie ? Si je crois que j’en ai un, c’est se fourvoyer.
Nous pensons être un. En fait, nos deux hémisphères (le droit et le gauche) nous confèrent deux “moi” différents :
- Le moi qui vit les expériences
- Le moi narrateur
Le moi expérimentateur choisira toujours les expériences courtes lorsqu’elles sont désagréables. Le moi narrateur va s’attacher à la fin de l’expérience (ai-je eu une récompense après ?) et à la mythologie qui peut l’entourer. Ainsi, l’accouchement sera souvent décrit comme une expérience merveilleuse plutôt qu’un moment traumatisant. “Les deux “moi” sont interconnectés. A partir d’une même expérience (exemple, la faim), le “moi” narrateur va lui donner différents sens : la faim pour maigrir ou la faim par manque d’argent. Pour le “moi” expérimentateur, la faim reste une expérience éprouvante.
Nous sommes donc doubles et , quoiqu’on en dise, vivant une vie sans sens. Lors des grands drames qu’a vécus l’humanité, cette dernière s’est toujours attachée à y trouver un sens. L’auteur cite la bataille perdue par l’Italie de Trente et de Trieste. A mesure que les morts s’accumulaient, le gouvernement italien envoyait de plus en plus d’hommes selon le principe “Il faut gagner sinon ils seront morts pour rien”. Cela s’accompagne d’un nationalisme exacerbé et, plus généralement, du besoin de croire en des entités abstraites qui vous dépassent et donnent de la valeur à votre vie. “A l’arrivée, ce ne sont que des histoires“.
Le grand découplage ou les hommes en trop : la fin du libéralisme
La fin du libéralisme est pour demain. La techno-religion faite d’algorithmes et d’intelligence artificielle signe la fin de l’individu en temps que partie d’un tout (la société), la fin du libre arbitre et bien entendu la fin de l’individualisme.
Trois prédictions font du “grand découplage” une partie très anxiogène :
- Les êtres humains perdront leur valeur économique et militaire. Le système politique ne s’intéressera plus à eux.
- Seule la collectivité aura une “valeur”.
- Quelques individus uniques constitueront une élite de surhommes augmentés.
Cette fin de l’homme est inscrite dans son fatum puisqu’il n’est qu’algorithmes façonnés par ses gènes et son environnement. Un méta-algorithme saura mieux que l’homme lui même ce qu’il souhaite. L’algorithme de Facebook surpasse la personne elle-même quand il s’agit de se juger ou de savoir ce que l’on aime réellement. La déconnexion signifiera la mort et de sujets, les algorithmes deviendront souverains, nos souverains.
Océan de la conscience et religion des data : quelle nouvelle religion ?
Deux nouvelles religions pourraient émerger pour remplacer le vieux monde :
- Le techno-humanisme qui permettra Homo Deus
- La religion de la data (le dataïsme) qui signera la fin d’Homo Sapiens
Le techno-humanisme pense qu’il est possible à Homo Sapiens d’évoluer grâce à la technologie et, notamment, d’accroître les capacités de l’esprit humain. Nous pourrions, notamment, augmenter notre spectre mental. Il est très défaillant car nous l’avons longtemps négligé pour des expériences plus concrètes et factuelles. Nous avons également négligé certains sens comme l’odorat au profit de la conceptualisation de notre réalité. Sentir que quelqu’un a peur est moins important aujourd’hui que de résoudre une équation du second degré. Cette religion privilégierait les humains au QI bas puisqu’un QI élevé perturberait ou limiterait l’action de machines comme le casque de l’attention sur le cerveau. Par ailleurs, nous deviendrions complètement stéréotypés, porteurs d’une même morale ou conçus selon les mêmes normes physiques.
La religion de la data permet de comprendre le triomphe du capitalisme. Le capitalisme a supplanté le communisme car il fonctionne sur un traitement distribué des données comme les données informationnelles au contraire du capitalisme fondé sur une distribution centralisée (et donc moins efficace) de l’information ou de la production. Le dataïsme apporte une vision datacentrique qui va, peu à peu, remplacer l’homocentrisme. Notre valeur se comptera en données. Je laisse au lecteur découvrir les dernières interrogations de l’auteur sur le monde de demain. Il n’y en a qu’une que je vous révèlerai car elle me tient particulièrement à coeur : l’intelligence se découple de la conscience. C’est à mon avis, la clé du monde de demain.
Laisser un commentaire