#Ncov, #blackswann #COVID-19#management #pouvoir #organisation#épidémie#fakenews
Ce billet a été écrit grâce à Twitter et à l’excellent ouvrage « Marseille, ville morte – La peste de 1720 de Carrière, Courdurié et Rebuffat[1].
En 1720, la peste s’abat sur Marseille. Elle tuera en quelques mois 50000 personnes et mettra à terre une ville en pleine expansion.
En 2020, le Ncov s’abat sur Wuhan. Il faudra plusieurs semaines à l’Organisation Mondiale de la Santé pour reconnaître l’extrême dangerosité du virus. L’OMS hésite encore à qualifier l’épidémie de pandémie même si de nombreux experts l’utilisent aujourd’hui. En 2020, il a été possible de séquencer le premier génome de la souche Wuhan-Hu-1 en quelques semaines (23 janvier 2020). Pourtant, les hommes semblent tout aussi démunis qu’en 1720. Les mêmes mécanismes psychologiques se sont mis en place pour nier, cacher et combattre le virus. La médecine n’a plus rien à voir avec celle de 1720. Néanmoins, les similitudes entre les deux événements sont troublantes comme le rôle des élites locales dans la propagation de la maladie.
Les élites locales ferment les yeux pour ne pas gêner le commerce
Marseille avant la peste dansait sur un volcan…celui de la cupidité
Avant d’être touchée par la peste, Marseille ne pensait qu’à l’argent et à sa croissance économique. Le port était en pleine expansion. Les importations permettaient de développer un artisanat local florissant. Fabriques de chapeaux, bonnets, chandelles, bougies, savonneries…
Impactantes imágenes de mi ciudad Wuhan, Capital de la Provincia de Hubei, donde se convergen el Río Yangze y el Río Han, conocida por haberse convertido en un foco económico, cultural, y portuario d China Central, así como el floreciente mercado. @hjmp41 @TitoTeng @visit_wuhan pic.twitter.com/5qlhmxl1AE
— 姜伟 Jiang Wei🇨🇳 (@juliojiangwei) December 26, 2019
Wuhan, Décembre 2019-quelques rares tweets sur ce que l’on qualifie de maladie ressemblant au SRAS. Le reste des tweets sur la formidable croissance économique de Wuhan.
Néanmoins, ce beau tableau cachait une crise économique latente. Le blé manquait. La France se remettait difficilement de la crise du système Law. Comment payer avec une monnaie dévalorisée ? Les banques étaient en mauvaise santé. L’inflation rampante.
Importer des soieries à tout prix malgré les risques
Les grands échevins qui tenaient la ville affrétaient des bateaux qui allaient chercher des marchandises au Levant (Syrie, Liban…). La peste y faisait rage et les édiles de la ville le savaient. Le vaisseau qui amena la peste est passé à la postérité. Le 25 mai 1720, le Grand Saint Antoine se présenta aux abords de Marseille. Le capitaine, Jean-Baptiste Chataud avait eu un voyage difficile. Il avait eu du mal à obtenir ses patentes lui permettant de s’arrêter dans les ports de la Méditerranée. De nombreuses morts étranges avaient égrené la traversée. Ce navire transportait deux vecteurs de peste : les hommes d’équipage et les passagers malades, les cotons en laine enfermées dans des balles pleines de puces…La chaleur fit le reste…
Local authorities have confirmed cases of pneumonia of unknown cause in Wuhan, central China’s Hubei Province.
A team of national experts has been sent to conduct virus testing. The patients, from a local seafood market, are in quarantine. pic.twitter.com/juHg9UGXN1
— CGTN (@CGTNOfficial) December 31, 2019
Wuhan, 31 décembre. L’épidémie aurait commencé depuis plusieurs semaines. L’épidémie est confirmée par les autorités. La quarantaine du marché humide de Wuhan commence…
Les politiques contre les médecins
Marseille avait peur de la peste et s’était donc protégée. Un navire soupçonné de peste devait déposer cargaison et hommes sur une île non loin des côtes, l’île de Jarre. Dans des circonstances un peu troubles (morts inexpliqués, provenance de pays à risques…), marchandises et équipages étaient consignés sur l’île de Pomègues et placés en quarantaine. Dans le cas du Grand Saint-Antoine, les marchandises sont entrées dans le port (les halles du petit enclos des Infirmeries). Or, cette zone était sous la responsabilité directe des officiers de santé. Étrangement, ces derniers ferment les yeux sur les morts qui s’accumulent sur l’Île de Jarre. Et, comme les marchandises pestiférées sont déjà dans le port, les portefaix et autres employés chargés de s’occuper des marchandises tombent malades.
Voici les images des dégâts meurtriers causés par ce fameux banquet organisé par le maire de #Wuhan et 40 000 personnes ! Une catastrophe alors que #XiJinping savait depuis au moins le 7 janvier mais n’a rien fait. #coronavirus #COVID_2019 #Wuhanvirus #ChinaVirus https://t.co/0t23S81EQl
— Dorian Malovic (@dorianmalovic) February 17, 2020
Wuhan et le fameux banquet autorisé par le pouvoir local alors que l’épidémie a déjà commencé. Parmi les 40000 participants, beaucoup tombèrent malades après cette manifestation culinaire gigantesque. XiJinping est mis en cause alors que c’est la mairie qui a autorisé le banquet.
Corruption
Un des principaux armateurs de la ville et du Grand Saint Antoine s’appelle Jean-Baptiste Estelle. La cargaison du Grand Saint Antoine représentait 300000 livres. Jean-Baptiste Estelle est le premier échevin de la ville. Il va donc tout faire pour ne pas perdre cette cargaison. Elle rentrera dans le port sans passer par la case Île de Jarre car le soleil et le vent peuvent gâter la marchandise.
Nigerian official says corruption is to blame for the outbreak of coronavirus.
Read more ➡ https://t.co/EVd5q5yG1A#BBCAfricaLive pic.twitter.com/dhzgZzdYMh
— BBC News Africa (@BBCAfrica) February 19, 2020
La co-occurence Wuhan-corruption concerne un nombre important de tweets. Premier reproche, l’importation et la consommation illégales d’animaux sauvages. Deuxième reproche, des allégations sur un incident dans le laboratoire niveau 4 de Wuhan qui aurait causé la contamination et aurait été caché par les autorités.
Démagogie
L’histoire officielle ne retiendra pas le nom des premiers morts de la peste. Elle va donc se tromper sur le patient zéro. Le 20 juin, rue Belle-Table, une certaine Marie Dauplan s’écroule raide morte. La rue est une rue sordide peuplée de pauvres gens. Puis, les morts s’accumulent dans le quartier. Ils sont misérables. Personne n’en n’a cure.
En fait, la peste est sortie des Infirmeries du port où elle était cantonnée. Les employés du port avaient fait sortir des marchandises contaminées et les revendaient sous le manteau à des habitants. Beaucoup de couturières en moururent et contaminèrent sans le vouloir leurs riches clientes. Ne pas se heurter au peuple et accepter qu’il enfreigne la loi quotidiennement a été un facteur considérable de contamination. Les élites savaient et ne disaient rien. Malgré sa richesse, la ville souffrait de beaucoup d’inégalités sociales. Les pauvres restaient pauvres sans aucun espoir de promotion sociale. Les riches fermaient les yeux. Quelques marchandises volées, ce n’était pas la fin du monde….
Quarantaine, mensonges et colère du pouvoir central
La quarantaine fut la seule solution. Des quartiers pauvres, il fallut mettre en quarantaine toute la ville. Les premiers qui moururent furent les mendiants qui n’avaient pas de maison pour les protéger.
Dans un premier temps, les édiles cherchèrent à cacher la situation. Or, la loi les obligeait à signaler les cas de peste dans leur ville. Le 15 juillet 1720, ils écrivent aux intendants de santé des ports de Provence “le mal ne sera pas plus grand avec l’aide du seigneur”. Ils se mettent dans la poche quelques notables locaux d’autres villes…L’intendant Lebret de la Ciotat reviendra rassuré et écrira “Je ne pense pas qu’il y ait lieu d’interrompre les communications”.
C’était sans compter sur le Régent qui prit très vite des mesures d’isolement de Marseille. On raconte qu’il fut furieux contre ces potentats locaux. Tous les ports de la Méditerranée se refermèrent dont Monaco, Nice ou Gènes. La sortie de toute marchandise au-delà de la Provence fut interdite sous peine de mort.
Les sanctions commencent à tomber en Chine sur les responsables locaux rendus responsables de la lenteur de la réponse face l’épidémie de coronavirus. @Francois_Bougon https://t.co/htenCcSx39
— Mediapart (@Mediapart) February 5, 2020
Wuhan, 15 février. Le pouvoir central déclare la guerre à l’épidémie. Le pouvoir local est jugé responsable. Les têtes vont tomber.
Fake News
Très vite, les rumeurs les plus folles se répandent. Au début de 1721, on raconte que la peste est à Cork et à Riga. On raconte également qu’à Southampton, soixante-quinze hommes d’équipage de trois bateaux marseillais en rade à Saint Malo sont morts. L’Angleterre est en première ligne. Des journalistes anglais dont le grand écrivain Daniel Defoe écrit dans l’Applebee’s Journal que des bandes d’habitants enragés et affamés se battent contre le cordon sanitaire érigé par le roi et attaquent la troupe. Des réfugiés pestiférés iraient de port en port sur des navires de fortune pour trouver des contrées plus clémentes. Certains, sans certificat de santé, seraient exécutés dans les ports de la Méditerranée.
街中に死体がたくさん。
日本はコロナウイルス舐めすぎでは?
東京もいずれこうなるのでしょうか?
Dead bodies on the street in China. #coronavirus #COVID19 https://t.co/McCa7jEelK— jj8888 (@kkanzkk1) February 18, 2020
Wuhan, la vidéo terrifiante. Elle se révélera être une Fake News. Les corps sont en fait des gens qui dorment dehors dans une autre ville chinoise.
Couper la mauvaise branche
Une solution serait de se débarrasser définitivement de Marseille. On dit que le Régent aurait envisagé d’y mettre le feu. Il aurait déclaré « Il vaut mieux qu’une ville périsse que tout un royaume ». Cette solution lui a peut-être traversé l’esprit. Néanmoins, ce n’est pas celle qui a été choisie. Ce que nous appellerions du racisme anti-marseillais se développe partout dans le royaume.
Dear our French friends and @CourrierPicard, here is our feedback to your comments. Because we believe “Do unto others as you would have them do unto you”. Kindly regards. #JeNeSuisPasUnVirus #france #french #imnotavirus #PrayForChina pic.twitter.com/U9NaNkrvjr
— Im Not a Virus (@imnot1virus) February 9, 2020
Le #I am not a virus se répand sur Twitter pour s’élever contre le racisme à l’égard des chinois qui se développe un peu partout.
Reprise en main du pouvoir central
La quarantaine est strictement appliquée. Marseille est devenue une putréfaction innommable : des cadavres jonchent les rues et pourrissent sur place. Les édiles si prompts à prendre leurs bénéfices et à se construire des hôtels particuliers sont débordés, épuisés, désespérés. Leur monde s’écroule. L’armée intervient. Le commandant Langeron fut nommé par le roi pour rétablir un semblant d’ordre. On brûle des corps. On essaya de tout désinfecter et surtout d’aller chercher les morts dans les maisons. Des morts qui étaient décédés seuls et que tous avaient oublié. Les douze à quinze brigades chargées de la désinfection à coup de chaux vive et d’eau bouillante travaillaient sous les ordres du commandant. Les maîtres de la ville furent mis de côté dans un premier temps puis soupçonnés dans un deuxième. Le capitaine du Grand Saint Antoine fut mis en prison après l’épidémie.
Frustrated people of #wuhan -2 No electricity, No food, No Water & no healthcare. Hospitals are full. Military comes to collect dead bodies at homes! @WHO needs to intervene with help of other Nations.#CoronavirusOutbreak #CoronavirusWho #coronaviruswuhan #COVID_19 #coronavirus pic.twitter.com/jmXOKZSXs2
— Manprit Shergill (@ManpritShergill) February 15, 2020
Wuhan, les deux pouvoir, le local et le central dépassés ? L’armée en première ligne. Le pouvoir de demain si l’épidémie empire…
Construire des hôpitaux précipitamment et sans méthode
Le 21 octobre, des patrouilles sont mises en place dans toute la ville. On se saisit de ceux qui semblent malades pour les enfermer dans des hôpitaux qui sont plutôt des mouroirs. Il y avait deux hôpitaux à Marseille. On en construisit un troisième, celui du Mail. On travailla jour et nuit jusqu’à ce qu’un coup de mistral mit tout parterre. L’affluence des malades étaient telle qu’on transforma l’Hôtel-Dieu dédié aux pauvres en maison chargée d’accueillir des pestiférés toujours plus nombreux. L’impréparation fut reprochée aux échevins. Ne sachant plus vers qui se tourner, ils payèrent…des médecins d’autres villes qu’ils firent venir à grand frais. Ils tentèrent d’apaiser la colère du ciel en promettant des dons aux offices religieux. Après la sidération, la panique puis la culpabilité.
Severe Water leakage inside one of the newly built #Wuhan hospitals.
Magnificent #China! Tremendous speed to build a hospital in 10 days….
With Appalling quality, China specialty! #coronavirus #COVID19 #WuhanVirus
— Jennifer HY Chan 🇭🇰⛱ (@JenniferHYChan) February 15, 2020
Wuhan et des hôpitaux qui prennent l’eau. Réquisition dans un second temps de stades.
Le story-telling des héros
L’histoire retiendra le nom de deux héros qui se sont battus contre l’épidémie, Monseigneur de Belsunce et le Chevalier Roze. L’un passera son temps à donner le dernier sacrement aux mourants marchant pieds nus et sans aucune protection. L’autre se chargera à la tête d’un groupe de forçats de libérer des rues entières tant elles étaient encombrées de cadavres. Ce seront les deux héros de la ville. Pas les édiles qui raseront les murs, abandonnés par leurs plus proches puis inquiétés par la justice.
Cette nuit sur les réseaux sociaux chinois on lit « je suis aussi Li Wenliang » . Beaucoup de chinois ne dorment pas , bouleversés par l annonce de la mort du médecin de Wuhan , lanceur d alerte du #coronavirus. La colère monte. pic.twitter.com/wfMSqIFfU0
— Dominique ANDRE (@domfrance) February 6, 2020
Autre hashtag ” je suis aussi Li Wenliang”. Les héros de Wuhan seront, un jour, honorés par les citoyens et le pouvoir.
Des chiffres faux, faux et encore faux
On pourrait attendre des autorités locales qu’elles mettent un point d’honneur à tenir une bonne comptabilité des méfaits de la peste. De Paris, on leur demanda des états par nom, surnom, qualité, demeure des malades et des morts. Ils refusèrent : « Il ne nous serait pas possible d’entrer nous-mêmes dans ce détail étant chargés de mille embarras et de mille affaires qui feraient succomber les meilleures têtes ». On parla de 50000 morts a posteriori. On essaya d’évaluer les morts via la baisse de la consommation de pain avant et après l’épidémie. Les registres paroissiaux ne donnèrent « que 1200 morts ». Les historiens s’accordent à dire que les échevins aimèrent mieux n’en avoir point dans les archives (des chiffres) que d’en avoir d’imparfaits. Ils cherchaient surtout à minimiser les chiffres. En effet, il devenait délicat d’envoyer des commissaires dans les maisons et les rues compter les morts. Ils étaient surtout épouvantés par le mal qu’ils avaient causé.
China is burning people alive! https://t.co/N4YyRfU3Hi
— Jeff Hancock (@xpertss97_jeff) March 5, 2020
Comment tirer le bilan d’une épidémie ? En se fondant sur les “signes connexes” de l’épidémie. Le pain à Marseille, les crématorium à Wuhan.
Pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus – Albert Camus
[1] Carrière, C., Courdurié, M., & Rebuffat, F. (1968). Marseille, ville morte: la peste de 1720. M. Garçon.
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