Ce billet est inspiré par ma dernière lecture : Les hommes célestes, la cyberwar quantique est déclarée de Jacques Pansard.
Les hommes célestes
Dans cet ouvrage, l’auteur Jacques Pansard, nous entraîne, avec son héros, Axel de Valois, en Corée du Nord. Ce dernier, responsable de l’activité Cybersécurité pour une firme internationale de conseil, se trouve pris dans un engrenage diabolique. A la poursuite des hommes célestes qui sont des pirates informatiques de haut vol, Axel va se trouver détenu en Corée du Nord. Il y apprendra la physique quantique. Sans dévoiler les rebondissements de cette fiction qui nous fait voyager de Suisse à Séoul en passant par Dubaï, Jacques Pansard, avec un vrai talent de vulgarisation nous permet de mieux comprendre ce qu’est la physique quantique et, au-delà l’ordinateur quantique.
Quant à la cybewar quantique que cette technologie pourrait déclencher, elle n’est plus totalement une fiction. Pour l’instant, ce sont les grands de l’informatique qui se battent pour sa maîtrise.
Dans l’ouvrage de Jacques Pansard, la Corée du Nord semble avoir des compétences particulières dans ce domaine. On apprend dans le livre que, c’est au début des années 80 que le Prix Nobel de physique, Richard Feynman a pensé que l’on pouvait concevoir un ordinateur fonctionnant selon les lois quantiques. Le principe de la physique quantique repose sur des calculs effectués en manipulant des séries de bits. Le texte et les images sont également transformés en succession de bits.
La croissance et la complexification des données et de leur traitement font qu’une autre technologie a été étudiée à partir des années 90 : celle des ordinateurs quantiques.
Au lieu de bits, on traite des qubits qui selon Jacques Pansard “peuvent admettre beaucoup plus de valeurs, affectées de probabilités, sur la base du principe de superposition des états. Des mathématiciens ont proposé de nouvelles logiques comme l’algorithme de Grover qui permet de trouver plus vite un élément dans une liste –” racine carré de n” recherches au lieu de n/2- et l’algorithme de Shor qui factorise un entier, notamment très grand, en nombre premiers.”
Jacques Pansard prend l’exemple d’un labyrinthe. “Un ordinateur classique va tester tous les parcours possibles tandis qu’un ordinateur quantique va faire le calcul plusieurs fois et proposer le bon chemin qui sera celui qui a la probabilité d’occurrence la plus élevée“.
Voici quelques informations importantes que Jacques Pansard met en avant sur le quantique :
L’intelligence artificielle du 22 ème siècle sera quantique
La loi de Moore (la puissance des ordinateurs double tous les 18 mois) deviendra obsolète remplacée par la loi Rose (doublement du nombre de qubits tous les ans sur une machine quantique)
Il existe trois types d’architectures quantiques
- Machines qui effectuent des calculs successifs
- Machines adiabatiques adaptées à des calculs holistiques par transformation d’état des qubits
- Machines topologiques sur lesquelles travaille Microsoft
Les grands acteurs du marché sont Google, Microsoft, IBM, Intel, Alibaba, Atos Gemalto et Thalès. D-Wave, compagnie canadienne commercialise déjà des ordinateurs quantiques.
Lisez des techno-fictions
“Les hommes célestes” de Jacques Pansard appartient au courant des techno-fictions. Les techno-fictions permettent de comprendre la technologie grâce au roman, à la BD, la peinture ou au cinéma qui mettent en scène des situations d’anticipation et des fictions. Le meilleur exemple de la capacité de prévision des écrivains est très certainement Asimov.
Asimov ou la techno-fiction
Isaac Asimov (1920-1992) est encore considéré comme l’un des plus grands auteurs de science-fiction, à la fois en raison de ses romans et nouvelles consacrés aux robots, qui mettaient en scène, bien avant leur existence concrète, les problématiques que poserait l’intelligence artificielle, mais également en raison de son grand cycle de roman Fondation, ayant remporté en 1966 l’unique prix Hugo de science-fiction de “Meilleure série de tous les temps”. En 1964, Isaac Asimov s’imaginait ainsi à quoi pourrait bien ressembler le futur 50 ans plus tard, en 2014, dans un texte traduit par le site Framablog. Un exercice auquel il s’était à nouveau adonné en 1984, dans une interview accordée au quotidien canadien Toronto Star où il imaginait cette fois l’année 2019. Sa vision globale de la technologie et de ses enjeux lui conférait, en la matière, une étonnante acuité.
Plus récemment, l’armée s’est intéressée aux auteurs de science-fiction pour les amener à imaginer le futur et plus spécifiquement le futur militaire. L’œuvre de Léonard de Vinci était, sans conteste, une techno-fiction.
Aujourd’hui, des œuvres comme SARRA de David Gruson (un ouvrage d’anticipation sur les dangers de l’IA), des séries comme Black Mirror font référence dans le domaine. Les auteurs connaissent leur sujet et savent imaginer un futur possible.
Les techno-fictions peuvent regrouper les techno-thrillers dont une liste non exhaustive figure sur Wikipedia.
Les britanniques ont un talent particulier pour les techno-fictions. Je confesse une grande admiration pour “Les fils de l’homme” de PD James dont j’avais commencé à lire les romans policiers. Son unique œuvre techno-fictionnelle est un chef d’œuvre. On peut englober dans ce courant anglais Michael Crichton ou Dan Brown.
Les Américains ne sont pas en reste avec Blade Runner à qui Twitter avait donné rendez-vous il y a quelques mois pour conforter ses prévisions à la réalité. Blade Runner est en avance de quelques années mais le développement de l’IA et les recherches sur la singularité peuvent donner naissance à Rachel, l’héroïne de cette formidable techno-fiction.
Quant à Terminator, sa conception circulaire du temps et la capacité des êtres à échapper à leur destin ouvrent des pistes de réflexion sur ce qu’est l’effet papillon et la prédestination.
Brazil, Metropolis, L’armée des douze singes ou Robocop, tous s’appuient sur la technologie pour imaginer la société de demain, souvent inquiétante et dans laquelle les hommes sont bien plus malheureux qu’aujourd’hui. La technologie ne résout pas les maladies, la mort, les inégalités ou la fin prévisible de la terre.
Revenons à la technologie quantique…
Ne bêlons pas avec la foule
Que dit l’homme de la rue d’une technologie majeure comme la technologie quantique. Comme le souligne Jacques Pansard, les “applications potentielles sont très nombreuses : chimie, médecine, IA, météorologie…” et bien sûr cryptographie quantique et cloud quantique.
L’homme de la rue ne s’intéresse pas à la technologie quantique. Ce n’est pas moi qui le dis mais Google Trends.
Voici l’évolution de l’intérêt pour la recherche “Quantum Computer” aux Etats-Unis. La courbe est complètement plate (en bleu) et bien inférieure à celle de l’IA (en rouge).
Lorsque l’on se concentre sur les requêtes associées, il est drôle de constater qu’une des requêtes associées au quantique est le film “ET, l’extraterrestre”…
La technologie quantique est complexe à saisir. Plus la technologie avance en complexité, plus elle se coupe des foules…des foules mais également des cabinets de conseil chargés de prévoir les investissements et le développement des technologies majeures de demain.
Méfions-nous des prospectivistes
Ce graphique tiré de Statista illustre la difficulté à prévoir l’importance en millions de dollars du marché du quantique. Il est impossible d’en tirer une quelconque conclusion puisque personne n’est d’accord.
Quantum computing global market projections and forecast comparison 2017 to 2030 (in million U.S. dollars)
L’Europe s’est lancée dans le quantique par peur de ne pouvoir combler la distance qui augmente avec la Chine et la Corée du Sud ainsi que les USA et le Canada. Voici une de ses principales communications sur le sujet. Le projet se nomme OPENQKD (pour open quantum key distribution)
Objectif OPENQKD réunit une équipe multidisciplinaire composée des principaux fabricants européens d’équipements de télécommunications, d’utilisateurs finaux et de fournisseurs d’infrastructures critiques, d’opérateurs de réseaux, de fournisseurs d’équipements QKD, de professionnels de la sécurité numérique et de scientifiques de 13 pays afin de renforcer la position de l’Europe à l’avant-garde des capacités de communication quantique au niveau mondial. Le projet permettra de créer un banc d’essai QKD ouvert afin de promouvoir la fonctionnalité du réseau et les cas d’utilisation auprès des utilisateurs finaux potentiels et des parties prenantes concernées du monde de la recherche et de l’industrie. Plus de 25 essais de cas d’utilisation ont déjà été déterminés et seront complétés par des appels ouverts pour le financement de tierces parties. OPENQKD développera un écosystème d’innovation et un terrain de formation, tout en contribuant à la croissance des chaînes d’approvisionnement en technologies et solutions pour les technologies et services de communication quantique. Source : https://cordis.europa.eu/project/id/857156L'Europe quantique
L’Europe a oublié de faire de la pédagogie. Enseigner aux foules la technologie, son fonctionnement, ses applications, est le meilleur moyen d’en assurer le développement. OPENQKD ne fait pas rêver.
Les techno-fictions ont donc une importance capitale. Comme dans le cas de l’IA si souvent source d’inspiration pour le cinéma ou la littérature, la technologie quantique a besoin d’être vécue. Des personnages de fiction peuvent nous prendre par la main, des hommes célestes par exemple…
Les hommes célestes, la cyberwar quantique est déclarée – Jacques Pansard, Editions du Lightning
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