Au secours ! L’Europe du digital n’existe pas. D’une domination américaine, nous allons passer à une domination chinoise.
A l’heure où nous écrivons ce billet, nous nous interrogeons sur notre vote aux élections européennes. Pour nous, le numérique est une source d’emploi et de compétitivité qui devrait nous aider à sortir la tête de l’eau. Or, nous considérons que l’Europe n’est pas à la hauteur de la tâche.
A travers ce billet, Beabilis souhaite que les responsables politiques se saisissent du la faiblesse technologique de l’Europe et décident de lancer un plan d’urgence destiné à pallier les retards qui s’accumulent. Nous pensons que :
La taxation est un symptôme de nos faiblesses mais qu’elle ne résoudra rien. Il en va de même pour le RGPD. Il peut être un rempart législatif mais il handicape plutôt les entreprises européennes que les Chinoises ou les Américaines.
- Les Gafa sont déjà fragilisés et nos futurs compétiteurs seront chinois et mille fois plus puissants.
- La formation dans les nouvelles technologies n’est pas assez ambitieuse.
- Il nous manque un véritable plan de développement des nouvelles technologies. Un plan ambitieux de plusieurs milliards d’euros.
Ce basculement du monde va toucher notre quotidien. Nous en voyons les premiers effets à travers la crise de nos distributeurs. Démonstration…
La Chine dévorera les GAFA
Si nous raisonnons GAFA centric, nous, européens, sommes particulièrement démunis. Le GAFA centrisme est une vision du marché du digital qui considère que l’on existe si l’on dispose :
D’un moteur de recherche (G, Google)
D’un grand du e-commerce (A, Amazon)
D’un réseau social (F, Facebook)
D’un champion du mobile (A, Apple)
A cela s’ajoute le M qui représente la mutation de l’informatique traditionnelle vers la gestion des Data (Big Data). Derrière le M (Microsoft), se cache le I (IBM et son IA, Watson).
Tournons-nous vers la Chine qui peut compter sur :
Trois moteurs de recherche ( Baidu, Qihoo360 (haosou) et Sogou)
De plusieurs grands du e-commerce (le plus connu étant Alibaba)
De plusieurs grands réseaux sociaux (dont WeChat et Weibo qui sont aussi des applications multiformes alliant service, e-commerce et social)
De plusieurs grands constructeurs de smartphones (dont Huawei qui est passé devant Apple et qui fournit également des solutions diverses informatique et réseau)
Enfin, la Chine sait planifier sa croissance et ses ambitions dans le domaine de l’IA.
MIC 2025 est le plan élaboré par le parti communiste chinois dans le but de devenir la première économie mondiale en termes de développement IA. Ce plan repose sur trois points principaux à savoir
- Conserver le rythme de développement des hautes technologies jusqu’en 2020
- Réaliser une avancée majeure en matière d’IA d’ici 2025
- Devenir le leader du marché à horizon 2030
(source, 5 faits sur l’IA, marketing-chine)
A cela, s’ajoutent des rumeurs eugénistes sur la chasse au QI et l’amélioration de l’intelligence humaine.
L'IA, une obsession chinoise
IFlyteck, le champion chinois de l’IA qui a compris qu’il faut savoir perdre de l’argent avant d’en gagner
iFlytek a déclaré que ses frais financiers ont augmenté de plus de 400 % au cours du trimestre, principalement en raison d’une diminution des intérêts créditeurs et d’une augmentation des intérêts débiteurs. Pendant ce temps, les dépenses de R&D de la société ont presque doublé, atteignant 35 millions de dollars. Coté à Shenzhen, dans le sud de la Chine, iFlytek est l’un des cinq “champions de l’IA” de la Chine, avec Baidu, Tencent, Alibaba et Sensetime. La société se concentre sur le traitement du langage naturel, l’évaluation de la parole, la reconnaissance vocale et prétend détenir plus de 70 % du marché chinois. Le développement de l’IA est une priorité absolue pour les autorités chinoises. Le Conseil des affaires d’État, le cabinet du Premier ministre chinois, a établi des plans pour devenir un chef de file mondial dans la technologie et créer une industrie nationale d’une valeur de 150 milliards de dollars d’ici 2030.
Source : Technode.com, https://technode.com/2019/04/19/iflytek-quarterly-growth-slow/
Par ailleurs, la Chine n’est pas gafa-centrique puisqu’elle a su développer des entreprises transverses comme Tencent qui casse la logique des silos dont souffrent les entreprises américaines. Tencent, c’est du social avec QQ mais aussi du contenu vidéo et sportif et même documentaire (avec une alliance récente avec Netflix), des jeux en ligne et la source d’une croissance phénoménale grâce à sa plateforme Weixin.
Tencent, au-delà du Gafa-Centrisme
Ce que dit Tencent de ses performances 2018 (source Tencent), Plus 32% de croissance de ses revenus
Les vidéos sociales sont téléchargées et partagées sur la plateforme Weixin tous les jours. Nous avons enrichi notre expérience utilisateur grâce à une nouvelle fonction vidéo qui permet aux utilisateurs de partager des mini-clips vidéo de 15 secondes ou de la musique entre amis, grâce à des recommandations basées sur l’IA. WeChat Work, une application d’entreprise intégrée à Weixin, permet aux entreprises d’améliorer leurs connaissances client, numériser les profils d’utilisateurs pour générer des datas, faciliter l’administration bureautique et la gestion des données, améliorer la communication interne. L’adoption par les grandes entreprises est particulièrement rapide, ce qui se traduit par une augmentation de la productivité. Weixin, c’est aussi une vitrine pour les PME. Néanmoins, environ 80 % des 500 plus grandes entreprises chinoises sont maintenant enregistrées sous WeChat.
L’avenir digital s’annonce rose pour l’Empire du Milieu. Si l’on se penche sur leurs licornes uniquement dans le domaine de la robotique, Technode en compte dix et douze dans le domaine de l’IA.
Lorsque l’on analyse le classement des licornes mondiales, on y découvre une majorité d’entreprises chinoises, des américaines, quelques allemandes et quatre françaises (Blablacar, Deezer, Doctolib, OVH). Vous pouvez consulter ce classement déprimant sur le site de référence CB Insights.
Vous pouvez consulter ce classement déprimant sur le site de référence CB Insights.
La consommation, le miroir des avancées technologiques
Si nous regardons ces innovations à la lumière de la consommation, voici quelques remarques. Le retail est en plein bouleversement. Il est révélateur des innovations technologiques marquantes de ces dernières années à savoir la reconnaissance faciale (utilisée en Chine comme moyen de paiement), les Big Data pratiqués par les distributeurs pour déceler les tendances de consommation, la révolution de la supply chain avec des concepts comme le Ship from Store et une explosion de la robotisation dans les entrepôts (pick to light, goods to man)…
La technologie de la mobilité et de l’IA est enfin là. Les robots sortent dans les rues pour livrer (drones, robots Nuro ou Udelv…). Ils s’imposent comme des assistants personnels dans les magasins. Ainsi, le robot chariot Dash Robotic est chargé de redynamiser les GMS. Quant aux assistants vocaux, ils multiplient les partenariats pour faire de la commande maison un acte d’achat le plus simple possible. Preuve en est, l’alliance Casino-Amazon Echo.
Le phygital, le Web-to-Store s’imposent peu à peu. Objectif, sauver la distribution physique et maximiser le panier moyen. Au-delà de ces nouveaux concepts qui sont déjà dans nos rayons, dans nos rues et dans nos entrepôts, analysons quelques tendances.
Les USA derrière la Chine, un réservoir gigantesque de shoppers
L’e-commerce est valorisé à 4,9 trillions de dollars à l’horizon 2021. Derrière ces chiffres difficilement concevables, se cache une bataille Etats-Unis-Chine.
Le consommateur américain consomme de plus en plus sur le Web mais moins vite que les années précédentes. La croissance du marché américain du e-commerce n’est que de 15% contre 18% pour le reste du monde. Les consommateurs du monde entier ont acheté 2,86 billions de dollars sur le Web en 2018, contre 2,43 billions de dollars l’année précédente, selon les projections d’Internet Retailer. Il s’agirait d’un ralentissement par rapport à 2017 puisque les ventes mondiales sur le Web ont augmenté de 21,3 % de 2016 à 2017 contre 18% de 2017 à 2018. Cette influence de la consommation américaine sera, à terme, largement compensée par la croissance du marché chinois.
2,14 milliards d’individus en 2021 achèteront sur le Web dont une grande partie d’Asiatiques. Aujourd’hui, le panier moyen d’un chinois n’est que de 634 dollars contre plus de 1000 dollars pour un français. Mais le marché chinois du e-commerce est évalué à plus d’un milliard d’individus contre 49 millions en France.
En Chine, la croissance du Web atteint un plafond en ville. Tout va se jouer dans les campagnes chinoises semi-urbanisées. Ces shoppers ont augmenté leur consommation sur le Web de 39% en 2017 (199 milliards de dollars).
Les acteurs du marché se partagent entre les Chinois et les Américains. Nous distinguons 4 types d’acteurs : les places de marché (pures c’est-à-dire commercialisant des produits d’e-commerçants extérieurs) ou hybrides (c’est-à-dire commercialisant également leurs produits), les leaders du e-commerce, les plateformes e-commerces et les nouveaux entrants.
En ce qui concerne les leaders du e-commerce, les trois premiers sont Amazon, JD.com, Xiaomi à savoir deux Chinois et un Américain.
Quant aux leaders des places de marché, Amazon arrive troisième derrière Taobao et Tmall.
Sur le secteur des plateformes e-commerce qui permettent, notamment, de gérer les boutiques en ligne, Shopify (Canada) arrive en première position devant Woo Commerce (produit WordPress) et Wix Store.
Le plus intéressant sur ce marché de géants, sont les nouveaux entrants. Nous nous sommes penchés sur le Chinois Pinduoduo. Pinduoduo appartient à Tencent. Pinduoduo est une sorte de Groupon asiatique avec une couche technologique supplémentaire. Sa force est ses prix défiant toute concurrence et son implantation sociale via Wechat. C’est aussi une entreprise complètement mobile friendly.
Les données de l’institut de recherche Jiguang montrent que les utilisateurs des villes de taille moyenne (en Chine, quelques millions d’habitants) représentent environ 65 % de l’ensemble des utilisateurs de Pinduoduo. De plus, les femmes représentent 70 % des utilisateurs de Pinduoduo. Elles sont responsables des achats familiaux et sont plus sensibles aux prix.
Pourquoi l’échec d’Amazon en Chine est inquiétant pour les USA ? Et Trump l’a très bien compris
Trump veut taxer les produits chinois pour protéger son marché intérieur. En fait, il a très bien compris que les USA du digital sont menacés à travers ses champions qui n’ont pas accès au marché chinois et qui, à terme, devraient perdre le contrôle de l’Asie.
Selon les médias officiels, Amazon a dû se retirer de Chine car :
Son offre Amazon Prime n’est pas assez différenciante. Les Chinois ont l’habitude de frais de livraison gratuits et d’une livraison express et parfaite.
Les produits occidentaux réputés de meilleure qualité sont déjà largement présents en Chine via des sociétés comme Alibaba.
L’application mobile d’Amazon est très en retard par rapport aux applications multi-services des grands du e-commerce chinois.
Après son retrait du marché chinois, Amazon envisage un retour via une alliance avec Kaola de la société NetEase. Objectif, concurrencer les 29% de PDM du commerce cross-border de Tmall Global, qui assure à Alibaba la première place d’importateur sur son propre marché. A suivre…
Pourquoi le succès d’Hema peut précipiter la chute de notre grande distribution ?
Hema, c’est un réseau de 65 grands magasins ouvert par Alibaba. Paiement via la reconnaissance faciale, restaurant intégré avec commande grâce à une application dédiée, produits hyper-frais, livraison de son panier dans un rayon de 3 kilomètres en moins de trente minutes…Les innovations sont continuelles et impressionnantes.
Et voici les résultats d’Auchan en Chine en 2018.
Oney, filiale d’Auchan Holding et qui représente le fer de lance de l’innovation en matière de paiement et de crédit doit se retirer du marché chinois. « Oney a annoncé son intention d’arrêter ses activités en Chine pour faire face à un changement de stratégie dans les plateformes de paiement de la part de son client sur place, Sun Art Retail. Les activités chinoises seront progressivement réduites d’ici la fin du troisième trimestre de 2019 ». (Source, Auchan).
Les solutions on-line-to-off-line sont particulièrement poussées par Auchan mais en Chine, elles se conçoivent en partenariat avec…Alibaba. Quant à la filiale Sun Art Retail, sous la bannière de laquelle opère Auchan, elle voit son bénéfice diminuer car « Sun Art Retail, filiale d’Auchan Retail en Chine, a enregistré une baisse de son chiffre d’affaires principalement à la suite de l’accord de concession avec Suning concernant la vente d’appareils électroniques domestiques et appareils électroménagers dans les magasins. Les revenus tirés de ces ventes ne sont plus versés aux détaillants Sun Art ».
Suning est un géant du commerce chinois spécialisé dans les produits blancs et bruns.
Tout cela apparaît fort compliqué pour Auchan qui enchaîne les mauvais résultats en France comme si son alliance technologique avec Alibaba ne lui permettait pas d’internaliser réellement les compétences on-line nécessaires. L’Europe du digital est-elle possible dans ces conditions ? Existe-t-elle réellement ?
Digital Europe ou Europe du digital
Par contre, Digital Europe existe. Il s’agit d’une association d’entreprises à majorité américaines basée à Bruxelles. Vous pouvez consulter son site ici : https://www.digitaleurope.org/
Le site parle beaucoup d’Europe. Il mentionne un plan à 2025, vision 2025.
Sans commentaires…
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