aCe billet est consacré à une présentation organisée par Vinci lors de VivaTech 2018. La thématique « qui repousse les limites : l’homme ou la machine » était traitée sous forme de dialogue entre une sportive Samantha Davies et un neurologue, Lionel Naccache.
Dans le rôle des humains : Samantha Davies et Lionel Naccache
Samantha Davies est de celles qui repoussent les limites humaines. Samantha Davies a couru trois fois la Solitaire du Figaro, trois fois la Transat AG2R Lorient–Saint-Barthélemy. Elle a battu deux records de la traversée de la Manche et a à son actif deux records du tour des îles britanniques. En 2017, elle se voit confier la barre du troisième Initiatives-Cœur et participe à la Transat Jacques Vabre . Samantha Davies est une sportive accomplie et une tête bien faite. Elle est diplômée de Cambridge et parle un français parfait avec un petit accent anglais.
Lionel Naccache est professeur de physiologie à l’université Pierre-et-Marie-Curie, neurologue et neurophysiologiste à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Il est chercheur en neurosciences cognitives à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière.
Mon bateau est une personne en lui-même
Samantha raconte les rapports complexes qu’elle entretient avec son outil d’aventure, son bateau. En course, elle dort 4 h par 24 h avec des tranches de sommeil d’une heure trente. Pendant ses rares moments de sommeil, le maître à bord est le pilote automatique. Voilà ce qu’elle dit de lui et de son bateau « J’essaie d’avoir le pouvoir sur lui. Quand je casse, j’ai mal pour lui et je le lui dis –excuse-moi, je suis désolée, ne m’en veux pas… ». Cet anthropomorphisme avec son bateau l’amène à le qualifier de personne.
Lionel Naccache évoque l’outil comme extension corporelle. Il reprend l’image saisissante de 2001, l’Odyssée de l’espace où l’os devient une arme entre les pattes d’un primate, où l’os change le primate en homme. Il explique quels sont les contextes qui permettent à l’homme de dépasser ses limites.
Dire que nous utilisons 10% de notre cerveau est faux…
Dire que nous n’utilisons que 10% de notre cerveau est faux. Nous n’utilisons pas 10% de notre cerveau mais la totalité. Chaque infime parcelle joue un rôle majeur dans nos capacités de raisonnement, nos activités cognitives, notre mémorisation. Nos limites physiques sont donc bien repoussées mais qu’en est-il des limites psychologiques ?
Lionel Naccache dresse le tableau de ce qu’il appelle les facteurs énergisant notre comportement à savoir :
Les motivations (dont le siège est parfaitement identifié lors des IRM) et, notamment, le contexte dans lequel elles peuvent s’exercer : compétitions, concours, classements…
L’engagement émotionnel ou expérience extrême. Il cite les sensations ressenties par les soldats napoléoniens qui avaient été amputés sur le champ de bataille. Beaucoup ne ressentaient aucune douleur car leur cerveau était concentré sur leur survie. J’oublie d’avoir mal car je dois me concentrer pour rester en vie…
Nos capacités cérébrales peuvent, par ailleurs, être améliorées grâce à la plasticité du cerveau. L’apprentissage ne serait qu’une forme de plasticité.
Les stratégies cognitives de l’homme versus du robot
Le robot est désormais apprenant. Il va permettre à l’homme de s’extraire des tâches répétitives pour explorer d’autres domaines. Ainsi, l’écriture n’est qu’une prothèse cérébrale qui permet de stocker ailleurs que dans le cerveau des informations secondaires ou trop volumineuses. Il en va de même dans l’utilisation des robots.
Les robots seront-ils supérieurs à l’homme ? Ils le sont déjà en force et en capacité de calcul, de mémorisation…Néanmoins, il existe une différence notable, l’expertise.
L’homme peut fonctionner comme le robot en expertise automatique. Conduire, lire sont des activités automatiques.
Samantha Davies parle de ses stratégies de course. Elle fonctionne également en expertise automatique sauf qu’elle confronte, à un moment, ses stratégies à son équipe. Elle s’est alors rendue compte qu’en les présentant, elle les post-rationalisait. Le retour de son équipe lui permettait, parfois, de se rendre compte de l’irrationalité de ces dernières.
Dès lors, un certain nombre de questions se pose. Les robots pourront-ils apprendre d’eux-mêmes ? Les interactions hommes-robots seront-elles remplacées par des interactions robots-robots leur permettant de se sortir de l’expertise automatique pour de meilleures prises de décision nées des confrontations. A priori oui. Dans ce cas, quelles règles de décision seront élaborées ?
Enfin, quelle sera la place des sentiments et des émotions chez les robots ? Comme le souligne Lionel Naccache, il n’existe pas d’émotions inutiles. Il cite l’écrivain Antonio Damasio qui dans son livre « l’erreur de Descartes » montre que des décisions rationnelles ont besoin d’un fonctionnement émotionnel.
L’émotion serait le moteur de la performance. Or, quelle est la place de l’émotion (forme d’intelligence incontestable) chez les robots ? « Aucune » soutient Lionel Naccache.
Et pourtant…Si l’émotion est un flux électrique, les robots pourraient très bien la ressentir. Blade Runner remplacera peut être 2001 l’Odyssée de l’espace comme film fondateur de la future épopée des roboïdes.
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