Pétra souffre et menace de disparaître. Le rocher πέτρα en grec ancien subit l’érosion et le tourisme de masse.
Pétra est une cité nabatéenne. Ses fondateurs ont acquis une puissance militaire et commerciale grâce, notamment, à une gestion très intelligente de l’eau. Terrasses, bassins de rétention, jardins et oasis ont contribué à en faire un paradis au milieu du désert. Hélas, les installations nabatéennes ne sont plus entretenues depuis longtemps. Les eaux s’infiltrent dans le sol et leur évaporation se charge en sel qui remonte par capillarité et transforme la magnifique roche de Pétra en sable.

A cela, vient s’ajouter une fréquentation touristique croissante du site, freinée ces dernières années par la situation géopolitique compliquée de la Jordanie. Les sauveurs de Pétra sont nombreux. A son chevet se pressent l’Unesco, le World Monuments Fund, EDF, la Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ), et l’Institut géographique national (IGN).

Il est un autre acteur déterminant dans la survie de Pétra, l’archéologue digital.

L’archéologue, menacé puis toléré

Pétra a été découverte par Jean Louis Burckhardt, un voyageur suisse qui a dû se déguiser et se faire appeler Cheikh Ibrahim pour pouvoir accéder au site. Sous la surveillance de son guide ottoman, Burckhardt ne put prendre aucun croquis mais fut ébloui par Pétra. Ses yeux et sa mémoire lui servirent de notes. Néanmoins, il raconta ce qu’il avait vu dans son livre Travels in Syria and the Holy Land édité en 1822 cinq ans après sa mort. De nombreuses expéditions furent ensuite menées. Au début, elles étaient très courtes car toujours sous la menace des autorités puis des populations locales.

L’archéologue digital

Aujourd’hui, de multiples fouilles sont entreprises. Il existe un parc archéologique et de grands instituts comme le CNRS, des universités américaines renommées étudient Pétra. De nombreuses recherches se concentrent sur l’écriture nabatéenne, le déchiffrage des 4000 inscriptions dont certaines en araméen présentes sur les roches, la période romaine de Pétra qui la vit se transformer en petite Rome, les conséquences du terrible tremblement de terre de 363 qui marqua la fin de sa puissance, sa transformation en cité byzantine …
Pétra a tout vécu et les multiples influences qui l’ont traversée (grecques, arabes, chrétiennes) sont autant de sujets de reconstitution pour l’archéologie.

Voici deux projets qui illustrent le formidable développement de l’archéologie digitale et son utilisation dans les fouilles de Pétra. 

Le projet Zamani (Township d’Afrique du Sud) de l’Université de Cape Town

Le projet se centre sur les zones menacées de Pétra.

Il comprend :

  • Un système de monitoring des rocs potentiellement instables
  • Une plateforme GIS (global information service) de stockage, analyse et management des données recueillies
  • Une modélisation 3D du Siq (l’entrée principale de Pétra) et des principales structures.

1766 scans de Pétra ont été réalisés produisant plus de 320 panoramas et 3000 images digitales s’appuyant sur l’analyse de 12 billions de points numériques. Cette digitalisation a permis de reproduire en 3D les 30 principaux monuments de Pétra incluant le théâtre romain, les tombes les plus connues ou les temples comme Qasr al Bint.

Le projet porté par Brown University, université américaine

La technologie mobilisée est la suivante :

  • Utilisation de systèmes d’information géographique (SIG), de GPS et de GPR (Ground Penetrating Radar). Le GPR (ou radar géologique ) est un appareil géophysique fondé sur le principe d’un radar que l’on pointe vers le sol pour en étudier la composition et la structure.
  • Recours à la technologie INAA (pour activation neutronique instrumentale) permettant d’étudier les pigments des fresques, la composition des pierres, les isotopes des marbres…

Toute cette technologie permet de reconstituer parfois à partir de quelques fragments des fresques, des monuments effondrés, des textes mais également l’évolution du climat et le type d’agriculture pratiquée.
Les modélisations 2D et 3D ainsi que la réalité virtuelle sont également couramment pratiquées. Le grand temple de Pétra a été recréé en 3D avec un travail important fait sur la reconstitution des statues, colonnes, poteries et leur regroupement en fonction des différents styles correspondant aux peuples anciens qui se sont succédés.
Mais le projet le plus ambitieux concernant la conservation et la reproduction des sites antiques est incontestablement celui de Google et de l’ONG CyArk qui a pour nom « Open Heritage ».

Le projet Open Heritage de Google et CyArk

CyArk numérise les sites historiques (plus de 200 à ce jour allant des cimetières militaires américains à des sites néolithiques en Ecosse) afin de permettre :

  1. Leur reconstruction
  2. Leur conservation
  3. Leur découverte via des casques de réalité virtuelle d’environnements immersifs

Trois types de de technologies sont employés : les drones, le scanning par laser ou LIDAR et la photogrammétrie.
Le LIDAR capture l’exacte géométrie et forme d’un monument. Sa précision est de plus ou moins 2 millimètres.
La photogrammétrie repose sur une modélisation rigoureuse de la géométrie des images et de leur acquisition afin de reconstituer une copie 3D exacte de la réalité. Des caméras sont montées sur les plateformes de robots qui font le tour d’un site. Chaque photo est prise sous un angle d’au moins 60° et intégrée à un traitement de scans de données permettant l’élaboration de modèles 3D.
Les drones complètent par des photographies aériennes les données manquantes.

cyark

Open Heritage issu de la collaboration de Google et de CyArk est intégré à l’application Google Arts et Culture qui est une vaste plateforme dédiée à l’art, l’histoire, la culture. Open Heritage s’inscrit dans la volonté de préserver la mémoire des sites menacés grâce au numérique.

OPENHERITAGE

Sa plus grande ambition est d’éduquer les générations futures en leur faisant vivre grâce à la réalité virtuelle la magnificence des civilisations antiques. Nul doute que Pétra en bénéficiera. Pétra et de nombreux sites de plus en plus promis à la disparition du fait des guerres, du réchauffement climatique, de la pollution, du tourisme et d’une relative indifférence à l’égard de l’histoire de l’humanité et de ses trésors.