« Scènes de ménages » parle du couple mais pas seulement…A travers les disputes, les réconciliations, les engueulades, les problèmes de boulot et les apéros bien arrosés « Scènes de ménage » est une peinture très actuelle et bien observée de la vie quotidienne des français. Dans cette vie quotidienne bien remplie, le numérique prend une place importante. Or, même si personnellement, j’adore cette série, je soutiens qu’elle véhicule parfois des clichés sur le digital. Voici pourquoi…
Cliché 1, le digital, c’est pas pour les seniors ou Raymond et Huguette, des réfractaires irréductibles à la technologie
Ils ont quatre-vingts printemps et passent leur temps à se dire des vacheries, colporter des ragots et aller à des enterrements. Récemment, ils ont accueilli dans leur appartement (très daté) une jeune étudiante en médecine qu’ils adorent. Laura leur a un jour conseillé de « partager » avec des amis leur quotidien.
Installés devant leur assiette, ils la prennent en photo grâce à un vieux polaroid. Bon, ben maintenant on fait quoi ? dit Raymond.
Ben, on va la montrer à Martine ou Henri, réplique Huguette…Tu crois que ça va les intéresser répond goguenard Raymond.
Laura, elle a dit qu’on partage, on partage rétorque Huguette.
Raymond et Huguette n’ont, à ma connaissance, pas d’ordinateur. Par contre, ils sont très télévores. Ils passent leur soirée devant la TV. Un jour, Laura leur conseille d’utiliser le replay. Réplique d’Huguette : pas question, la télé, c’est l’horloge biologique des vieux…
Sage réponse qui montre (si nous utilisons le jargon des média-planners) que la délinéarisation totale de la télévision n’est pas pour demain.
Quant au e-commerce, ses pratiques les désarçonnent. Laura va chercher, dans son point relai, ses chaussures récemment commandées. Comment s’étonne Huguette, « Le boucher vend des chaussures ! Mais il a fermé le marchand de chaussures ! ». Raymond conclut « que le monde change à toute vitesse et qu’ils ne sortent pas assez pour le constater ».
Regardons maintenant les chiffres de la consommation digitale des seniors :
- 4 seniors sur 10 possèdent un ordinateur, tablette ou smartphone
- 9 seniors sur 10 achètent sur Internet. 54% achètent plus d’une fois par mois sur le Net
- 56% des seniors connectés sont sur Facebook
Source : https://www.omnicoreagency.com/facebook-statistics/
Cliché 2, vous avez une différence d’âge dans votre couple, chacun son device
Passons au deuxième couple, mon préféré car il réunit deux êtres très dissemblables. Il est pharmacien, elle est prof de yoga. Elle est jeune, il est vieux dans sa tête et porte bien la cinquantaine. Elle est baba cool, il est réac, farouchement de droite et son ISF lui donne des cauchemars. Bref, ils s’aiment.
Camille essaie de changer Philippe. Elle le force à faire du sport, à se réconcilier avec son père acariâtre, à accepter son fils en échec permanent…
Ils se retrouvent sur leur canapé pour deviser sur le monde et échanger leurs points de vue irréconciliables sur la vie. Dans la rubrique digitale, la différence de pratique est flagrante. Philippe est un adepte de la tablette sur laquelle il lit sa presse de droite…Camille ne se sépare pas de son mobile qu’elle pousse, peu à peu, dans le quotidien du couple. Or, visiblement, Philippe est complètement réfractaire à ces nouveaux usages.
Une des scènes les plus drôles est celle durant laquelle Camille se sert de son portable pour diffuser des cris de jouissance visiblement tirés d’une vidéo porno. Tu comprends, Doudou, ça me calme dit Camille à un Philippe légèrement gêné…
Autre scène…Camille est pressée et dit en coup de vent à Philippe avant de quitter l’appartement « j’ai mis la liste des courses sur le fridge ». Philippe ne comprend pas le franglais. Il croit que Camille (comme à son habitude) lui demande de charger une nouvelle appli pour faire du sport, de la méditation, du yoga… Encore une appli, dit-il en soupirant. Mais comment on fait ? Qu’est-ce-que ça veut dire ?
Regardons maintenant les chiffres qui mettent à mal ces clichés
La tablette, c’est pour les vieux
7% du temps passé sur Internet est passé sur tablette pour les 45-54 ans. 7% passé sur Internet est passé sur tablette pour les 25-34 ans.
Source : https://www.blogdumoderateur.com/comscore-mobile-app-report-2017/
Les applis bien être, c’est trop de la balle
Certes, mais elles sont relativement minoritaires en termes d’utilisation. Selon Médiamétrie, « Les jeux en ligne, les vidéos et les sites communautaires sont les trois activités favorites des Millennials : elles représentent plus de la moitié du temps passé sur mobile. Si les 15-34 ans représentent la moitié du temps mobile sur la catégorie Vidéos/Cinéma, les apps en croissance chez eux sont très liées à la vie quotidienne : s’habiller, se déplacer, déclarer ses impôts ou encore organiser ses voyages ». Camille est donc une atypique.
Source : http://www.mediametrie.fr/carrieres/pages/la-newsletter-eurodata-tv.php?p=8,126&page=258
Quant au hashtag #lePornoCestAussipourlesFemmes, je n’ai pas fait de recherche particulière sur le sujet…
Cliché 3, l’industrie musicale a été détruite par Internet
Le troisième couple, Fabien et Emma, représente les bobos essayant de vivre à la campagne. Ce n’est pas vraiment la campagne mais une de ces zones entre les deux. Emma n’est pas mon personnage préféré. Masculine, vulgaire, mauvaise mère et artiste raté, voici Emma. Fabien est un prof d’histoire hypersensible et légèrement dominé par sa femme. Ils ont une petite fille, Chloé qui maltraite le portable de son père et est souvent collée devant une tablette pour « arrêter de faire chier » dixit Emma.
Emma chante comme une casserole. Elle télécharge sur YouTube des chansons qu’elle compose et interprète. «Artiste engagée », elle vit dans l’illusion du succès. Comme la majorité de ses vues sur YouTube provient de Chine, elle espère qu’elle peut se développer sur le marché. Elle pense également que les asiatiques adorent les produits français et compose donc des couplets tournant autour du béret, pâté, baguette et accordéon.
A table, Emma confie à Fabien son rêve de vivre dans les années 80. « On aurait un château avec piscine, une bonne… ». Fabien s’étonne. Pourquoi une telle richesse ? Tout simplement réplique Emma parce qu’aujourd’hui, on fait 300.000 vues gratos alors qu’avant on vendait 300.000 disques comme rien.
Voici quelques chiffres qui pourraient remettre en cause la vision idyllique des années 80 en matière de musique
Le numérique a commencé par détruire de la valeur sur le marché musical français. Or, depuis 2016, le marché musical physique a cessé de reculer pour se stabiliser à 285 millions d’euros. « La baisse est désormais compensée par le développement du numérique. Les ventes en ligne représentent ainsi 48,8% des ventes de musique dans l’Hexagone, contre moins de 10% il y a 10 ans. Et le numérique pourrait supplanter le physique en 2018. Une part croissante de Français accepte de payer pour écouter de la musique. Le streaming, c’est ainsi 243 millions d’euros de CA, dont 203 millions pour le payant en 2017. »
Le tout gratuit, c’est du passé.
Quant à la musique française, elle s’exporte dans toute sa diversité bien au-delà des clichés. Des initiatives diverses dont What-The-France promeuvent langue, poésie et variété (au sens premier du terme) françaises.
Source : http://elise.news/2017/06/what-the-france/
Cliché 4, Face aux nouvelles technologies, les hommes sont plus créatifs et moins addicts que les femmes
Liliane et José ont cinquante ans. Ils vivent dans une zone pavillonnaire une petite vie tranquille agrémentée de quelques expériences libertines. Ils souffrent de l’absence de leur fils, Manu, parti vivre en Chine. José a toujours un air benêt. Derrière ces maladresses et son apparente absence de délicatesse, il cache une certaine forme de créativité et une intelligence peu adaptée aux exigences du quotidien. Liliane est pragmatique, dynamique et très dépressive. José l’agace mais elle ne peut vivre sans lui. Bref, eux aussi s’aiment.
José est une vraie bille en matière de nouvelles technologies. Il sait très mal se servir de son portable. Un jour, il envoie un message débile à l’ensemble de ses contacts pensant l’avoir envoyé uniquement à son meilleur ami, Jean-Pierre.
Liliane est accro à son portable qu’elle a toujours en main. Elle enregistre avec, les saillies d’esprit de José pour qu’il puisse réécouter « les énormités qu’il profère ». Son portable est son agenda et sa mémoire. Lors d’une scène, Jean-Pierre prend la place de José. Elle ne le remarque pas trop occupée à pianoter sur son clavier ce qui fait dire à Jean-Pierre qu’elle ne regarde plus son mari.
D’un côté, le négatif du numérique : connexion exagérée, rupture des liens sociaux, béquille numérique.
De l’autre, le positif représenté uniquement par …les hommes
Manu, le fils de José travaille en Chine. Quand il séjourne chez ses parents en France, il communique par Skype avec ses collègues et sa fiancée chinoise dans un mandarin irréprochable. Il n’a aucun problème avec le numérique qu’il utilise pour communiquer, de façon très professionnelle et organisée.
José imagine des objets connectés drôles tous plus loufoques les uns que les autres comme la lampe de poche intégrée à la bouche. Il fait communiquer son portable et son fixe en parlant dans les deux à la fois, activité qui va lui faire la journée selon Liliane. Il reproduit en plus drôle des vidéos qui font le buzz sur YouTube. Sa vision de la technologie apparaît pleine d’innocence et d’émerveillement perpétuel.
Très souvent, voici le hashtag qui s’imprime dans mon cerveau lorsque je vois certaines scènes
#lesfemmesseraientplusaccrosqueleshommes
54% des hommes utilisaient les réseaux sociaux contre 59% des femmes
Source : https://www.statista.com/statistics/752662/social-network-usage-by-gender-france/
En France, 56% des hommes utilisent leur mobile pour surfer sur Internet soit 3 points de plus que les femmes
Source : https://www.statista.com/statistics/412630/mobile-phone-features-usage-in-france-by-gender/
En 2016, 89% des hommes ont accès à Internet contre 85% des femmes.
Pour conclure, finissons sur une note positive, Cédric et Marion, le couple le moins sujet aux clichés. Ils sont jeunes et égalitaires face au numérique. Avant que Marion ne devienne une chef d’entreprise surbookée, elle a passé son temps sur les réseaux sociaux et un nombre incalculable d’heures à liker et partager des photos. A l’heure actuelle, elle est présidente d’une société d’événementiel dans la start-up nation. Elle ne fait bosser que des stagiaires qu’elle traite comme des chiens. Le pauvre Cédric est au chômage. Son utilisation du digital se résume à envoyer des CV et à préparer des entretiens.
La Prod vient de communiquer sur un nouveau couple qui remplacerait Cédric et Marion. Ils sont décrits plus jeunes et plus connectés. Dommage, Poussin et Poussin me manquent déjà.
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