Je suis une grande fan de mode. J’ai toujours aimé me fringuer. Je suis dingue de sacs à main, chaussures à talons de 10 cm, vestes de marque. Mon grand plaisir est de faire du shopping entre deux lectures de livres d’histoire (mon autre grande passion). Il y a longtemps que j’ai déserté les magasins. Je ne pensais pas que ce serait aussi déceptif. Témoignages…

Comment passe-t-on de client fidèle à client perdu ? Le vécu d’une acheteuse et de sa petite famille

La foule me pesait. Les cabines d’essayage me stressaient. Les vendeuses m’agaçaient. Bref, je découvris un jour le plaisir d’acheter sans bouger de mon fauteuil. C’était une invention fabuleuse que ces sites de ventes privées. Tout d’un coup, en une portée de clics, j’avais accès à des marques que je m’étais toujours interdite. De belles marques, des grands noms… Tout ça, pour des prix barrés, cassés, soldés. Bien sûr, il fallait attendre plusieurs semaines mais quel plaisir d’ouvrir des boîtes roses, jaunes ou vertes et de découvrir THE robe. J’ai eu quelques émotions. Des robes de star, des chaussures en strass, tout ça encombre mes placards. Je suis comme Carrie Bradshaw ou Marie-Antoinette. A moins, que ce ne soit comme Emma Bovary. Les deux dernières si elles pouvaient se transposer dans le temps n’auraient pas fini si mal. Emma ne se serait pas suicidée accablée de dettes et de chagrins d’amour. Marie-Antoinette n’aurait pas perdu sa tête. Elle aurait peut être tout simplement perdu la tête devant tant de soieries à si bon prix. Tout simplement. Carrie se serait achetée un appartement beaucoup plus grand. Et aurait envoyé Mister Big se faire voir.

Addiction totale. Applications installées. Je plonge dans la même addiction mes filles qui se mettent à guetter la marque de baskets tant convoitée de leurs petites copines. Le 12 octobre, le 03 novembre, le 24 mai. On attend. L’attente fait partie du plaisir.

Or, l’attente peut être insupportable. Gros coup de colère en mai 2015. Commande de chaussures à talons à bride, noir et blanche. Une semaine, deux semaines, trois semaines…A la 6ième semaine, je perds patience. Mon espace « Commandes » m’indique du retard, un retard interminable. J’envoie un mail de réclamation. J’ai un mariage très chic dans une semaine et je VEUX porter ces chaussures. Je reçois un mail type. « Chère Maria. Merci pour votre confiance. Votre commande a du retard. Nous ne manquerons pas bla,bla, bla… »/. Déshumanisation totale du service client = inefficacité commerciale. Je plonge dans mon Twitter, aborde le très médiatique patron de cette belle boutique et l’interpelle directement sur le réseau avec un hashtag bien senti. Et ça marche ! Tout d’un coup, je reçois un mail « personnalisé » écrit par un vrai humain. Et le lendemain, un vrai humain me téléphone ! Et le surlendemain, je reçois mes chaussures…Yes !

Mais cela n’a pas duré. Un autre site de ventes privées prend une décision désastreuse. Installer 3D Secure, le truc qui permet de sécuriser vos achats. Avant, je n’avais qu’à rajouter mon code de sécurité. Avec 3D Secure, le tunnel de conversion devient interminable. Je ne sais pas changer mon numéro de téléphone ce qui fait que la banque m’envoie un code sur mon fixe dont j’ai coupé la sonnerie parce qu’il sonne toutes les 5 minutes pour me vendre des volets roulants ou des cuisines équipées. Je désinstalle l’application. Je leur envoie un mail exprimant mon mécontentement. Pas de réponse. Ils n’avaient pas prévu ce cas dans leur Trigger Marketing. Tant pis. Je lis que 3D Secure ferait chuter de près de 20% le CA des sites d’e-commerce.  Je lis également qu’un site doit pouvoir sécuriser ses transactions sans complexifier son tunnel de transaction . Comme Amazon par exemple. J’attends un petit geste. Je suis un client en plein churn. Ils savent bien que j’ai désinstallé leur appli. Je vais les quitter, me transformer en client perdu. Personne ? Trigger Marketing sur client en plein churn, fais quelque chose pour moi. Rien. Tu ne m’aimes plus ? Je t’ai quitté. Reconquiers moi. Toujours rien…

Dernière mésaventure. Mes commandes n’arrivent tout simplement plus. Lorsque je vais sur mon compte, on m’indique qu’elles ont été livrées à mon agence postale. Je m’y rends. On m’explique sans un sourire que je dois appeler le numéro XXX de réclamation. On me dit ça comme si c’était le numéro le plus connu du monde. Le monsieur derrière moi s’impatiente. On n’a plus le droit de se plaindre. On n’a PLUS LE TEMPS MA BONNE DAME. Vous avez fait la queue 20 minutes pour une minute de contact avec le guichetier. Vous avez largement dépassé mon ratio temps de traitement client/ client total. A moins que ce ne soit temps de traitement client/ CA jour . Faut pas déconner avec le ROI. 

Alors, je multiplie les mails sur l’espace client du site de ventes, l’espace client du transporteur. Je m’embrouille dans les mots de passe, les numéros de commande (zut, celle là je l’avais reçue). Je reçois ma dernière commande le matin même. Je tiens un humain, je ne vais pas le lâcher ce petit livreur. Dialogue « Monsieur, je n’ai pas reçu ma dernière commande… ». Je n’ai pas le temps d’ouvrir la porte du jardin. Il me balance le colis par dessus. Je le reçois presque sur la tête. J’ai compris. Il n’a PAS LE TEMPS NON PLUS. 

Google est mon ami. Je l’interroge. Google, fais quelque chose pour moi. Alors, Google me déverse un flot ininterrompu de sites d’avis clients, de commentaires désabusés, d’expériences traumatisantes et de notes de merde.  » Je mets 2/ 20 au site machin parce que je n’ai pas reçu la bague de Saint Valentin que je voulais offrir à ma copine et elle m’a quitté…Je mets 4/20 au site truc parce que j’ai toujours commandé du 46 et j’ai reçu du 36. Je suis boudinnée…C’est une honte. Je mets 3/20 au site bidule parce que j’ai reçu une chaussure en 42 et l’autre en 38 ! ».

 

Je suis étonnée. En bon élève qui a toujours fait, pensé marketing. En prof qui a toujours enseigné à ses élèves des concepts top comme le net promoter score, les big data et le marketing automation. Je suis abasourdie…On m’aurait menti. Le client n’existe pas finalement. ON S’EN FOUT.

Mais moi j’aime l’e-commerce. Faites quelque chose pour lui. Il est en danger de mort imminente malgré sa croissance extraordinaire. Finalement, le magasin, c’est pas si mal.